L'Anticristo, per Cardinale Pie di Poitiers (Francese)
Mgr. Louis Edouard Pie (1815 – 1880), évêque de Poitiers,
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Marie de la Victoire en 1879.
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Marie de la Victoire en 1879.
Instruction Pastorale
sur cette parole de Saint Jean :
sur cette parole de Saint Jean :
« Et il y a déjà beaucoup d’antéchrists »
(carême 1863)
Nos Très Chers Frères,
I. Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit : « Veillez à ce que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront en mon nom et diront : Je suis le Christ, et ils séduiront un grand nombre d’âmes… Et beaucoup de faux christs et de faux prophètes surgiront, et ils feront des signes et des prodiges étonnants, à ce point que les élus eux-mêmes, si cela se pouvait, seraient induits en erreur. Je vous prédis ces choses, afin que vous vous teniez pour avertis » (Matth. XXIV, 4-5, 24-25).
Cet avertissement du Sauveur, N.T.C.F. (*), vos pasteurs ont reçu la mission de vous le répèter souvent, mais particulièrement à ces époques de confusion et de crise où il semble que les légions infernales aient reçu une plus grande puissance de tromper et de nuire. Tels étaient les temps de saint Hilaire. Aussi est-ce sa voix et sa doctrine que nous venons vous faire entendre dans cette courte instruction pastorale.
Ce saint docteur, en expliquant l’Evangile à vos pères, s’est souvent attaché à leur donner le signalement de l’antéchrist ; et non seulement de cet antéchrist individuel et personnel qui accomplira un rôle si terrible dans les derniers jours du monde, mais encore des ces antéchrists nombreux et presque innombrables qui doivent, sur tout le parcours de la ligne des siècles, préparer la venue et faciliter la mission de l’antéchrist final.
Mes enfants, disait ce grand pontife s’appropriant les paroles de saint Jean, Filioli, parce que vous avez entendu dire peut-être que l’antéchrist vient, et que la dernière heure approche, ce que personne ne sait, moi je vous dis une chose certaine, « c’est qu’il y a déjà beaucoup d’antéchrists » (I Johan. II, 18). Que l’antéchrist, qui sera un et individuel à la fin des âges, soit auparavant nombreux et multiple, c’est ce que le témoignage de l’Ecriture rend incontestable. Quiconque nie le Christ tel qu’il a été annoncé par les apôtres, celui-là est un antéchrist. La signification propre du nom d’antéchrist, c’est d’être contraire à Jésus-Christ (St Hilaire, contra Auxentium, 2).Cet avertissement du Sauveur, N.T.C.F. (*), vos pasteurs ont reçu la mission de vous le répèter souvent, mais particulièrement à ces époques de confusion et de crise où il semble que les légions infernales aient reçu une plus grande puissance de tromper et de nuire. Tels étaient les temps de saint Hilaire. Aussi est-ce sa voix et sa doctrine que nous venons vous faire entendre dans cette courte instruction pastorale.
Ce saint docteur, en expliquant l’Evangile à vos pères, s’est souvent attaché à leur donner le signalement de l’antéchrist ; et non seulement de cet antéchrist individuel et personnel qui accomplira un rôle si terrible dans les derniers jours du monde, mais encore des ces antéchrists nombreux et presque innombrables qui doivent, sur tout le parcours de la ligne des siècles, préparer la venue et faciliter la mission de l’antéchrist final.
Or, s’il est écrit que les temps de l’antéchrist seront périlleux, que la bonne foi de beaucoup sera surprise, il ne faut pas moins de précautions envers ses devanciers et ses précurseurs. « Je n’ai qu’un avis à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist, ayez peur de l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum » (ibid. 12).
Et si vous me demandez où se trouve aujourd’hui cet antéchrist dont vous avez tant à vous garder, il me serait vraiment plus facile de vous dire où il n’est pas.
II. Antéchrist, celui qui nie que Jésus soit Dieu ; antéchrist, celui qui nie que Jésus soit homme ; antéchrist, celui qui nie que Jésus soit Dieu et homme tout ensemble.
Celui-là est un antéchrist, dit saint Jean, qui nie le Père, puisqu’en niant le Père, il nie le Fils : Hic est antichristus qui negat Patrem et Filium (1 Johan. II, 22). En effet, il n’y a pas d’antichristianisme plus radical que celui qui nie la divinité à sa source, à son principe. Comment le Christ serait-il Dieu, s’il n’y a pas de Dieu? Or, la négation de l’être divin, de la substance divine, de la personnalité divine, et l’introduction de je ne sais quelle théodicée sophistique qui, tout en maintenant la dénomination de Dieu, en supprime la réalité, et lui substitue des abstractions et des rêves qui flottent entre l’athéisme et le panthéisme ou qui n’ont aucun sens : voilà le symptôme capital de la situation intellectuelle du moment, voilà l’enseignement qui remplit les livres et qui inspire les leçons de toute une école nombreuse et puissante. En présence de ces doctrines, « je n’ai qu’un avis à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo, cavete antichristum ».
Saint Jean poursuit : « Quiconque nie le Fils, n’a point le Père, et il n’a pas la vie. Celui qui croit dans le Fils de Dieu a pour soi le témoignage de Dieu. Celui qui ne croit pas au Fils, rend Dieu menteur, parce qu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a donné de son Fils (1 Johan. III, 23 – V, 10, 12). Beaucoup de séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus-Christ soit venu dans la chair : quiconque nie cela, est un séducteur et un antéchrist : Qui non confitetur Christum in carne venisse, hic est seductor et antichristus » (2 Johan. 7). Or, si vous écoutez ce qui se dit, si vous lisez ce qui s’écrit à cette heure, vous apprendrez ou bien que le personnage historique de Jésus n’a pas même existé, du moins tel qu’il est représenté par les Evangiles, ou bien qu’il a été un des types humains en qui s’est davantage manifesté cet idéal de sagesse, de raison, de perfection qu’on est convenu de nommer Dieu. On ne vous accordera point que le Fils de Marie soit le Fils de Dieu fait homme, le Verbe descendu dans la chair, celui en qui réside corporellement la plénitude de la divinité (Coloss. II, 9), et, pour tout dire, l’Homme-Dieu. Epouvanté de ces blasphèmes, qui sont le complet renversement du symbole chrétien, « je n’ai qu’une chose à vous dire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Que dirai-je encore? Antéchrist, celui qui nie le miracle, celui qui enseigne que le miracle n’a pas sa place possible dans la trame des choses humaines : car le Christ, encore bien que ses paroles eussent un accent qui pouvait mériter créance, n’a cependant établi sa divinité que par l’argument décisif du miracle (Johan. X, 25, 37, 38) ; et il a donné à ses apôtres, comme moyen de persuasion et de conquête, la puissance du miracle (Johan. XIV, 12 – Marc. XV, 20) ; et sa venue dans la chair, l’union de la nature humaine et de la nature divine en sa personne unique, c’est le miracle par excellence (Coloss. I, 26). Supprimer le miracle, c’est supprimer tout l’ordre surnaturel et chrétien. Ici encore : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la révélation divine des Ecritures : car ce sont les prophéties inspirées divinement qui nous ont annoncé le Christ ; et ce sont les Evangiles écrits sous la dictée de l’Esprit-Saint, ainsi que les actes et les lettres des apôtres, qui nous font connaître le Christ (2 Petr. I, 31). Nous avons à alléguer ici les propres paroles de saint Hilaire : « Quiconque nie le Christ tel qu’il a été annoncé par les apôtres, celui-là est un antéchrist : Quisquis enim Christum, qualis ab apostolis est praedicatus, negavit, antichristus est ». Si donc vous entendez donner le démenti aux livres saints, si leur autorité est ravalée au niveau des conceptions et des productions de l’esprit humain, « j’ai un conseil à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la divine institution et la divine mission de l’Eglise : car le terme des oeuvres, des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, ç’a été la fondation de son Eglise. « Jésus-Christ a aimé son Eglise, et il s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier, après l’avoir lavée dans le baptême d’eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n’ayant ni tache, ni ride, ni quoi que ce soit de défectueux, mais étant sainte et irrépréhensible » (Eph. V, 25, 27). Or, si l’Eglise n’a pas un caractère surnaturel, si elle est seulement une institution terrestre, un des établissements religieux destinés à jouer un rôle plus ou moins long au sein de l’humanité, une société exposée aux vicissitudes et aux défaillances des choses d’ici-bas, une école plus ou moins respectable de philosphie et de philanthropie, en un mot, si l’Eglise n’est pas divine, c’est que le Christ son fondateur, n’est pas Dieu. Rejeter la divinité de l’oeuvre, c’est rejeter la divinité de l’ouvrier. « J’ai toujours la même recommandation à vous faire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la suprême et indéfectible autorité de Pierre. En effet, Jésus-Christ, après avoir regardé cet homme au visage, lui a dit : « Simon, fils de Jean, ton nom va être changé. Désormais tu t’appelleras Céphas, ce qui veut dire Pierre (Johan. I, 42) ; et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les puissances de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans le ciel » (Matth. XVI, 18-19). Et le même Jésus lui a dit encore : « Simon, Simon, voici que satan vous a demandés tous pour vous cribler comme un froment. Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères » (Luc. XXII, 31-32). Or, si ces paroles de Jésus-Christ n’ont pas fait de Pierre le fondement inébranlable de l’Eglise, le roc immuable de la vérité, l’oracle infaillible de la foi, c’est que celui qui les a prononcées n’avait pas la puissance de les rendre efficaces. Toucher à Pierre, c’est toucher à la tête vivante, au chef invisible de l’Eglise chrétienne, qui revit et qui subsiste en lui. « Je vous crie donc encore : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie ou qui déprime le sacerdoce chrétien. Car Jésus-Christ ressuscité a dit à ses apôtres : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie (Johan. XX, 21). Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ; et voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles » (Matth. XXVIII, 18-20). Or, si les pouvoirs ainsi conférés par Jésus ne sont pas les pleins pouvoirs d’enseigner la vérité au nom de Dieu par la prédication, d’administrer la grâce par les sacrements, de pourvoir à l’observation des préceptes divins par le gouvernement ecclésiastique, et si, dans l’exercice de ces pouvoirs, le sacerdoce chrétien n’est pas soutenu par une assistance continue et par une présence journalière du Christ en lui ; ici encore, il faut admettre que le Christ a dit plus qu’il n’a pu faire, et que, par conséquent, il n’est pas Dieu. Et sachant que le Seigneur a dit des lévites mêmes de l’ancienne loi : « Ne touchez pas à mes christs » (1 Paralip. XVI, 22), et qu’il a dit aux ministres de la loi nouvelle : « Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé » (Matth. X, 40) ; quand je vois la langue de mon pays se dépraver jusqu’à changer en titre d’insulte et de dédain cette première initiation sacerdotale et royale qui s’appelle la cléricature, et que les vocabulaires avaient longtemps donnée comme synonyme du savoir et de l’instruction libérale, je me sens épris d’une immense pitié pour une génération dont les sommités mêmes peuvent descendre à un pareil abaissement et se montrer coupables d’un tel oubli de respect envers ce que tous les peuples ont eu de plus sacré ; et « je redis toujours la même leçon : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la supériorité des temps et des pays chrétiens sur les temps et les pays infidèles ou idolâtres. Car si Jésus-Christ, qui nous a illuminés alors que nous étions assis dans les ténèbres et dans les ombres de la mort (Luc. I, 79), et qui a donné au monde le trésor de la vérité et de la grâce (Johan. I, 14), n’a pas enrichi le monde, je dis même le monde social et politique, de biens meilleurs que ceux qu’ils possédait au sein du paganisme, c’est que l’oeuvre du Christ n’est pas une oeuvre divine. Il y a plus : si l’Evangile, qui fait le salut des hommes, est impuissant à procurer le véritable progrès des peuples ; si la lumière révélée, profitable aux individus, est préjudiciable aux sociétés ; si le sceptre du Christ, doux et bienfaisant aux âmes, peut-être même aux familles, est mauvais et inacceptable pour les cités et les empires ; en d’autres termes, si Jésus-Christ, à qui les prophètes ont promis et à qui son Père a donné les nations en héritage (Psalm. II, 8), ne peut exercer sa puissance sur elles qu’à leur détriment et pour leur malheur temporel, il en faut conclure que Jésus-Christ n’est pas Dieu. Car, ni dans sa personne, ni dans l’exercice de ses droits, Jésus-Christ ne peut être divisé, dissous, fractionné ; en lui la distinction des natures et des opérations ne peut jamais être la séparation, l’opposition ; le divin ne peut être antipathique à l’humain, ni l’humain au divin. Au contraire, il est la paix, le rapprochement, la réconciliation ; il est le trait d’union « qui a fait les deux choses une : ipse est pax nostra qui fecit utraque unum » (Ephes. I, 14). C’est pourquoi saint Jean nous dit : « Tout esprit qui dissout Jésus n’est pas de Dieu, et c’est proprement lui qui est cet antéchrist dont vous avez entendu dire qu’il vient, et qu’il est déjà maintenant dans le monde : Et omnis spiritus qui solvit Jesum, ex Deo non est ; et hic est antichristus de quo audistis quoniam venit, et nunc jam in mundo est » (1 Johan. IV, 3). Lors donc que j’entends certains bruits qui montent, certains aphorismes qui prévalent de jour en jour, et qui introduisent au coeur des sociétés le dissolvant sous l’action duquel doit périr le monde, « je jette ce cri d’alarme : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Celui-là est un antéchrist, dit saint Jean, qui nie le Père, puisqu’en niant le Père, il nie le Fils : Hic est antichristus qui negat Patrem et Filium (1 Johan. II, 22). En effet, il n’y a pas d’antichristianisme plus radical que celui qui nie la divinité à sa source, à son principe. Comment le Christ serait-il Dieu, s’il n’y a pas de Dieu? Or, la négation de l’être divin, de la substance divine, de la personnalité divine, et l’introduction de je ne sais quelle théodicée sophistique qui, tout en maintenant la dénomination de Dieu, en supprime la réalité, et lui substitue des abstractions et des rêves qui flottent entre l’athéisme et le panthéisme ou qui n’ont aucun sens : voilà le symptôme capital de la situation intellectuelle du moment, voilà l’enseignement qui remplit les livres et qui inspire les leçons de toute une école nombreuse et puissante. En présence de ces doctrines, « je n’ai qu’un avis à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo, cavete antichristum ».
Saint Jean poursuit : « Quiconque nie le Fils, n’a point le Père, et il n’a pas la vie. Celui qui croit dans le Fils de Dieu a pour soi le témoignage de Dieu. Celui qui ne croit pas au Fils, rend Dieu menteur, parce qu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a donné de son Fils (1 Johan. III, 23 – V, 10, 12). Beaucoup de séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus-Christ soit venu dans la chair : quiconque nie cela, est un séducteur et un antéchrist : Qui non confitetur Christum in carne venisse, hic est seductor et antichristus » (2 Johan. 7). Or, si vous écoutez ce qui se dit, si vous lisez ce qui s’écrit à cette heure, vous apprendrez ou bien que le personnage historique de Jésus n’a pas même existé, du moins tel qu’il est représenté par les Evangiles, ou bien qu’il a été un des types humains en qui s’est davantage manifesté cet idéal de sagesse, de raison, de perfection qu’on est convenu de nommer Dieu. On ne vous accordera point que le Fils de Marie soit le Fils de Dieu fait homme, le Verbe descendu dans la chair, celui en qui réside corporellement la plénitude de la divinité (Coloss. II, 9), et, pour tout dire, l’Homme-Dieu. Epouvanté de ces blasphèmes, qui sont le complet renversement du symbole chrétien, « je n’ai qu’une chose à vous dire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Que dirai-je encore? Antéchrist, celui qui nie le miracle, celui qui enseigne que le miracle n’a pas sa place possible dans la trame des choses humaines : car le Christ, encore bien que ses paroles eussent un accent qui pouvait mériter créance, n’a cependant établi sa divinité que par l’argument décisif du miracle (Johan. X, 25, 37, 38) ; et il a donné à ses apôtres, comme moyen de persuasion et de conquête, la puissance du miracle (Johan. XIV, 12 – Marc. XV, 20) ; et sa venue dans la chair, l’union de la nature humaine et de la nature divine en sa personne unique, c’est le miracle par excellence (Coloss. I, 26). Supprimer le miracle, c’est supprimer tout l’ordre surnaturel et chrétien. Ici encore : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la révélation divine des Ecritures : car ce sont les prophéties inspirées divinement qui nous ont annoncé le Christ ; et ce sont les Evangiles écrits sous la dictée de l’Esprit-Saint, ainsi que les actes et les lettres des apôtres, qui nous font connaître le Christ (2 Petr. I, 31). Nous avons à alléguer ici les propres paroles de saint Hilaire : « Quiconque nie le Christ tel qu’il a été annoncé par les apôtres, celui-là est un antéchrist : Quisquis enim Christum, qualis ab apostolis est praedicatus, negavit, antichristus est ». Si donc vous entendez donner le démenti aux livres saints, si leur autorité est ravalée au niveau des conceptions et des productions de l’esprit humain, « j’ai un conseil à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la divine institution et la divine mission de l’Eglise : car le terme des oeuvres, des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, ç’a été la fondation de son Eglise. « Jésus-Christ a aimé son Eglise, et il s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier, après l’avoir lavée dans le baptême d’eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n’ayant ni tache, ni ride, ni quoi que ce soit de défectueux, mais étant sainte et irrépréhensible » (Eph. V, 25, 27). Or, si l’Eglise n’a pas un caractère surnaturel, si elle est seulement une institution terrestre, un des établissements religieux destinés à jouer un rôle plus ou moins long au sein de l’humanité, une société exposée aux vicissitudes et aux défaillances des choses d’ici-bas, une école plus ou moins respectable de philosphie et de philanthropie, en un mot, si l’Eglise n’est pas divine, c’est que le Christ son fondateur, n’est pas Dieu. Rejeter la divinité de l’oeuvre, c’est rejeter la divinité de l’ouvrier. « J’ai toujours la même recommandation à vous faire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la suprême et indéfectible autorité de Pierre. En effet, Jésus-Christ, après avoir regardé cet homme au visage, lui a dit : « Simon, fils de Jean, ton nom va être changé. Désormais tu t’appelleras Céphas, ce qui veut dire Pierre (Johan. I, 42) ; et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les puissances de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans le ciel » (Matth. XVI, 18-19). Et le même Jésus lui a dit encore : « Simon, Simon, voici que satan vous a demandés tous pour vous cribler comme un froment. Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères » (Luc. XXII, 31-32). Or, si ces paroles de Jésus-Christ n’ont pas fait de Pierre le fondement inébranlable de l’Eglise, le roc immuable de la vérité, l’oracle infaillible de la foi, c’est que celui qui les a prononcées n’avait pas la puissance de les rendre efficaces. Toucher à Pierre, c’est toucher à la tête vivante, au chef invisible de l’Eglise chrétienne, qui revit et qui subsiste en lui. « Je vous crie donc encore : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie ou qui déprime le sacerdoce chrétien. Car Jésus-Christ ressuscité a dit à ses apôtres : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie (Johan. XX, 21). Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ; et voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles » (Matth. XXVIII, 18-20). Or, si les pouvoirs ainsi conférés par Jésus ne sont pas les pleins pouvoirs d’enseigner la vérité au nom de Dieu par la prédication, d’administrer la grâce par les sacrements, de pourvoir à l’observation des préceptes divins par le gouvernement ecclésiastique, et si, dans l’exercice de ces pouvoirs, le sacerdoce chrétien n’est pas soutenu par une assistance continue et par une présence journalière du Christ en lui ; ici encore, il faut admettre que le Christ a dit plus qu’il n’a pu faire, et que, par conséquent, il n’est pas Dieu. Et sachant que le Seigneur a dit des lévites mêmes de l’ancienne loi : « Ne touchez pas à mes christs » (1 Paralip. XVI, 22), et qu’il a dit aux ministres de la loi nouvelle : « Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé » (Matth. X, 40) ; quand je vois la langue de mon pays se dépraver jusqu’à changer en titre d’insulte et de dédain cette première initiation sacerdotale et royale qui s’appelle la cléricature, et que les vocabulaires avaient longtemps donnée comme synonyme du savoir et de l’instruction libérale, je me sens épris d’une immense pitié pour une génération dont les sommités mêmes peuvent descendre à un pareil abaissement et se montrer coupables d’un tel oubli de respect envers ce que tous les peuples ont eu de plus sacré ; et « je redis toujours la même leçon : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la supériorité des temps et des pays chrétiens sur les temps et les pays infidèles ou idolâtres. Car si Jésus-Christ, qui nous a illuminés alors que nous étions assis dans les ténèbres et dans les ombres de la mort (Luc. I, 79), et qui a donné au monde le trésor de la vérité et de la grâce (Johan. I, 14), n’a pas enrichi le monde, je dis même le monde social et politique, de biens meilleurs que ceux qu’ils possédait au sein du paganisme, c’est que l’oeuvre du Christ n’est pas une oeuvre divine. Il y a plus : si l’Evangile, qui fait le salut des hommes, est impuissant à procurer le véritable progrès des peuples ; si la lumière révélée, profitable aux individus, est préjudiciable aux sociétés ; si le sceptre du Christ, doux et bienfaisant aux âmes, peut-être même aux familles, est mauvais et inacceptable pour les cités et les empires ; en d’autres termes, si Jésus-Christ, à qui les prophètes ont promis et à qui son Père a donné les nations en héritage (Psalm. II, 8), ne peut exercer sa puissance sur elles qu’à leur détriment et pour leur malheur temporel, il en faut conclure que Jésus-Christ n’est pas Dieu. Car, ni dans sa personne, ni dans l’exercice de ses droits, Jésus-Christ ne peut être divisé, dissous, fractionné ; en lui la distinction des natures et des opérations ne peut jamais être la séparation, l’opposition ; le divin ne peut être antipathique à l’humain, ni l’humain au divin. Au contraire, il est la paix, le rapprochement, la réconciliation ; il est le trait d’union « qui a fait les deux choses une : ipse est pax nostra qui fecit utraque unum » (Ephes. I, 14). C’est pourquoi saint Jean nous dit : « Tout esprit qui dissout Jésus n’est pas de Dieu, et c’est proprement lui qui est cet antéchrist dont vous avez entendu dire qu’il vient, et qu’il est déjà maintenant dans le monde : Et omnis spiritus qui solvit Jesum, ex Deo non est ; et hic est antichristus de quo audistis quoniam venit, et nunc jam in mundo est » (1 Johan. IV, 3). Lors donc que j’entends certains bruits qui montent, certains aphorismes qui prévalent de jour en jour, et qui introduisent au coeur des sociétés le dissolvant sous l’action duquel doit périr le monde, « je jette ce cri d’alarme : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
III. Nous pourrions, N.T.C.F. (*), étendre encore le détail des erreurs qui s’accréditent chaque jour autour de nous, et qui constituent tout ce système qu’on peut appeler l’antichristianisme. Ce que nous avons dit est plus que suffisant pour exciter votre vigilance, et pour vous rendre de plus en plus défiants envers toute doctrine qui ne procède pas de l’Eglise, et qui n’est pas conforme à ce qui vous a été enseigné par vos légitimes pasteurs. Retenez fortement gravés dans votre esprit les paroles solennelles qu’adressait saint Paul à nos pères : « J’admire, écrivait-il aux Galates, que vous vous laissiez détourner si vite de celui qui vous a appelés à la grâce du Christ, pour passer avec tant de facilités à un autre évangile : ou plutôt, il n’y a pas d’autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser et changer l’Evangile de Jésus-Christ : nisi sunt aliqui qui vos conturbant, et volunt convertere Evangelium Christi. Mais quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange du ciel vous annoncerait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème. Oui, nous vous le répétons : si quelqu’un vous enseigne un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème. Car je vous le déclare, mes Frères : l’Evangile que je vous ai prêché, n’a rien de l’homme ; en effet, je ne l’ai reçu ni appris d’aucun homme, mais de la révélation de Jésus-Christ » (Galat. I, 6-12).
Demeurez donc fermes dans la foi antique et invariable de la sainte Eglise, N.T.C.F.(*) ; « soyez des hommes, et ne soyez pas des enfants qui flottent et qui se laissent aller à tous les vents des opinions, séduits par les tromperies humaines et par les menées astucieuses de l’erreur qui les circonviennent » (Ephes. IV, 14). Le divin Sauveur a dit, en prédisant le temps de la ruine de Jérusalem : « Malheur à quiconque sera alors dans les douleurs de l’enfantement ou dans la période de l’allaitement! » (Matth. XXIV, 19). Ce que saint Hilaire explique ainsi : « Dans les jours orageux et difficiles de l’Eglise, malheur aux âmes travaillées par le doute, et chez qui la foi, la piété ne seront encore qu’à l’état de conception ou de première nutrition. Les unes, surprises dans l’embarras de leur incertitude, et attardés par les irrésolutions de leur esprit en travail, seront trop pesantes pour échapper aux poursuites de l’antéchrist ; les autres, n’ayant encore que dégusté les mystères de la foi, et n’étant imbues que d’une faible dose de la science divine, manqueront de la force et de l’habileté nécessaires pour soutenir de si grands assauts » (comment. in Matth. XXV, 6). C’est cet alourdissement et cette débilitation des âmes qui rendront les derniers temps si pernicieux, et qui occasionneront tant de défections.
En revanche, saint Augustin fait ressortir combien ces jours d’épreuve donnent de lustre et d’accroissement au mérite des âmes fidèles. Commentant ces mots de l’Apocalypse : « Il faut ensuite que le diable soit délié quelque temps » (Apoc. XX, 3), il montre que le démon n’est jamais lié d’une façon absolue pendant la vie de l’Eglise militante, mais que pourtant il l’est souvent en ce sens qu’il ne lui est pas permis d’user de toute sa force ni de toute sa ruse pour séduire les hommes. Car, s’il avait cette pleine puissance durant le cours de tous les siècles, l’infirmité du grand nombre est telle que beaucoup de faibles, dont il plaît à Dieu de grossir et de remplir son Eglise, seraient détournés de croire ou deviendraient apostats de leur croyance : ce que Dieu ne veut pas souffrir ; et voilà pourquoi le démon est en partie lié (De civitate Dei, Libr. XX, cap. VIII – De alligatione et solutione diaboli, n. 1 et 2). Mais, d’autre part, s’il n’était jamais déchaîné, la puissance de sa malice serait moins connue, la patience très fidèle de la cité sainte serait moins exercée, et l’on comprendrait moins l’immense fruit que le Tout-Puissant a su tirer de l’immense force du mal (ibid. 2). Le Seigneur le déliera donc pour un temps, afin de faire éclater l’énergie avec laquelle la cité de Dieu aura surmonté un si terrible adversaire, et cela à la grande gloire de son rédempteur, de son aide, de son libérateur (ibid.). Et le saint docteur va jusqu’à dire à ses contemporains : « Pour nous, mes frères, que sommes-nous, et quel mérite avons-nous en comparaison des saints et des fidèles qui seront alors, puisque, pour les éprouver, ce même ennemi sera déchaîné, que nous avons déjà, nous, tant de peine à combattre et à vaincre alors qu’il est lié » (ibid.).
Demeurez donc fermes dans la foi antique et invariable de la sainte Eglise, N.T.C.F.(*) ; « soyez des hommes, et ne soyez pas des enfants qui flottent et qui se laissent aller à tous les vents des opinions, séduits par les tromperies humaines et par les menées astucieuses de l’erreur qui les circonviennent » (Ephes. IV, 14). Le divin Sauveur a dit, en prédisant le temps de la ruine de Jérusalem : « Malheur à quiconque sera alors dans les douleurs de l’enfantement ou dans la période de l’allaitement! » (Matth. XXIV, 19). Ce que saint Hilaire explique ainsi : « Dans les jours orageux et difficiles de l’Eglise, malheur aux âmes travaillées par le doute, et chez qui la foi, la piété ne seront encore qu’à l’état de conception ou de première nutrition. Les unes, surprises dans l’embarras de leur incertitude, et attardés par les irrésolutions de leur esprit en travail, seront trop pesantes pour échapper aux poursuites de l’antéchrist ; les autres, n’ayant encore que dégusté les mystères de la foi, et n’étant imbues que d’une faible dose de la science divine, manqueront de la force et de l’habileté nécessaires pour soutenir de si grands assauts » (comment. in Matth. XXV, 6). C’est cet alourdissement et cette débilitation des âmes qui rendront les derniers temps si pernicieux, et qui occasionneront tant de défections.
En revanche, saint Augustin fait ressortir combien ces jours d’épreuve donnent de lustre et d’accroissement au mérite des âmes fidèles. Commentant ces mots de l’Apocalypse : « Il faut ensuite que le diable soit délié quelque temps » (Apoc. XX, 3), il montre que le démon n’est jamais lié d’une façon absolue pendant la vie de l’Eglise militante, mais que pourtant il l’est souvent en ce sens qu’il ne lui est pas permis d’user de toute sa force ni de toute sa ruse pour séduire les hommes. Car, s’il avait cette pleine puissance durant le cours de tous les siècles, l’infirmité du grand nombre est telle que beaucoup de faibles, dont il plaît à Dieu de grossir et de remplir son Eglise, seraient détournés de croire ou deviendraient apostats de leur croyance : ce que Dieu ne veut pas souffrir ; et voilà pourquoi le démon est en partie lié (De civitate Dei, Libr. XX, cap. VIII – De alligatione et solutione diaboli, n. 1 et 2). Mais, d’autre part, s’il n’était jamais déchaîné, la puissance de sa malice serait moins connue, la patience très fidèle de la cité sainte serait moins exercée, et l’on comprendrait moins l’immense fruit que le Tout-Puissant a su tirer de l’immense force du mal (ibid. 2). Le Seigneur le déliera donc pour un temps, afin de faire éclater l’énergie avec laquelle la cité de Dieu aura surmonté un si terrible adversaire, et cela à la grande gloire de son rédempteur, de son aide, de son libérateur (ibid.). Et le saint docteur va jusqu’à dire à ses contemporains : « Pour nous, mes frères, que sommes-nous, et quel mérite avons-nous en comparaison des saints et des fidèles qui seront alors, puisque, pour les éprouver, ce même ennemi sera déchaîné, que nous avons déjà, nous, tant de peine à combattre et à vaincre alors qu’il est lié » (ibid.).
IV. Courage, donc, N.T.C.F. (*). Plus la religion est attaquée, plus l’Eglise est battue en brêche de toutes parts, plus les doctrines d’erreur et de perversion morale envahissent les discours, les livres, les théâtres et remplissent tout l’air de leurs miasmes pestilentiels, plus aussi vous pouvez acquérir devant Dieu de grandeur, de perfection, de mérite, si vous parvenez à éviter la contagion, si vous ne vous laissez ébranler dans aucune de vos convictions, et si vous demeurez pleinement fidèles au Seigneur Jésus que tant d’autres ont la faiblesse et le malheure d’abandonner. Ne vous laissez point éblouir par la force et le nombre des assaillants, ni par les avantages des adversaires de Jésus-Christ. Il est écrit que les méchants et les séducteurs réaliseront un progrès sur la terre, le prgrès dans le mal, le prgrès dans la destruction, le prgrès dans la désorganisation : proficient in pejus (2 Tim. III, 13) ; mais il est écrit aussi que ce genre de succès ne durera jamais longtemps, et que les hommes qui résistent à la vérité, gens corrompus dans leur esprit et réprouvés au regard de la foi, ne tarderont pas à être convaincus de folie comme tous leurs devanciers dans la même voie (2 Tim. III, 8-9).
Persévérez dans la foi, N.T.C.F. (*) ; persévérez aussi dans les oeuvres, surtout dans les oeuvres de la charité. C’est une doctrine constante, et qu’on ne doit pas abandonner à aucun prix, qu’il appartient à ceux qui croient à Dieu de se mettre en tête des bonnes oeuvres : l’humanité et principalement l’humanité souffrante trouvera toujours son avantage à ce qu’il en soit ainsi (Tit. III, 8). N’avons-nous pas entendu dire, en ces derniers jours encore, que l’aumône faite par un sentiment surnaturel et selon les traditions de la piété chrétienne, n’est plus de mise au sein de nos sociétés, et que son cachet « ecclésiastique » est une atteinte à la dignité de ceux qu’elle entreprend de soulager? Ainsi, dans l’ardeur qu’il met à séculariser toutes choses, le naturalisme entend que la bienfaisance demeure humaine, demeure profane, et qu’elle n’ait rien en commun avec l’ordre de la grâce et du salut. Propos exécrable, et qui, s’il pouvait parvenir à décourager la charité chrétienne et sacerdotale, n’aboutirait à rien moins qu’à tarir les plus abondantes et les plus opportunes ressources des malheureux. Ah! vous dirai-je encore ici : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavet antichristum ». Ou plutôt, ayez les yeux toujours attachés sur le Christ, sur l’enfant-Dieu de l’étable de Bethléem, sur l’ouvrier-Dieu de l’atelier de Nazareth (Marc. VI, 3), sur celui qui, étant riche par nature, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa détresse (2 Corinth. VIII, 9), sur celui qui sera un jour notre juge, et qui, en considération de ces multitudes d’ouvriers indigents et privés de travail que vous aurez soulagés par amour pour lui, vous mettra en possession du royaume que son Père vous a préparé (Matth. XXV, 34-35).
Persévérez dans la foi, N.T.C.F. (*) ; persévérez aussi dans les oeuvres, surtout dans les oeuvres de la charité. C’est une doctrine constante, et qu’on ne doit pas abandonner à aucun prix, qu’il appartient à ceux qui croient à Dieu de se mettre en tête des bonnes oeuvres : l’humanité et principalement l’humanité souffrante trouvera toujours son avantage à ce qu’il en soit ainsi (Tit. III, 8). N’avons-nous pas entendu dire, en ces derniers jours encore, que l’aumône faite par un sentiment surnaturel et selon les traditions de la piété chrétienne, n’est plus de mise au sein de nos sociétés, et que son cachet « ecclésiastique » est une atteinte à la dignité de ceux qu’elle entreprend de soulager? Ainsi, dans l’ardeur qu’il met à séculariser toutes choses, le naturalisme entend que la bienfaisance demeure humaine, demeure profane, et qu’elle n’ait rien en commun avec l’ordre de la grâce et du salut. Propos exécrable, et qui, s’il pouvait parvenir à décourager la charité chrétienne et sacerdotale, n’aboutirait à rien moins qu’à tarir les plus abondantes et les plus opportunes ressources des malheureux. Ah! vous dirai-je encore ici : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavet antichristum ». Ou plutôt, ayez les yeux toujours attachés sur le Christ, sur l’enfant-Dieu de l’étable de Bethléem, sur l’ouvrier-Dieu de l’atelier de Nazareth (Marc. VI, 3), sur celui qui, étant riche par nature, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa détresse (2 Corinth. VIII, 9), sur celui qui sera un jour notre juge, et qui, en considération de ces multitudes d’ouvriers indigents et privés de travail que vous aurez soulagés par amour pour lui, vous mettra en possession du royaume que son Père vous a préparé (Matth. XXV, 34-35).
(in « Oeuvres de Monseigneur l’Evêque de Poitiers » – Tome IV pp. 581-594)
(*) N.T.C.F. : abréviation de « Nos Très Chers Frères ». Cette abréviation se trouve dans le texte imprimé de l’Instruction Pastorale et nous avons respecté cette graphie originelle.
Luca Signorelli : l’antéchrist prêchant, inspiré par le diable (détail)
Fonte: http://leblogdumesnil.unblog.fr/2012/11/22/2012-82-et-il-y-a-deja-beaucoup-dantechrists/
Fonte: http://leblogdumesnil.unblog.fr/2012/11/22/2012-82-et-il-y-a-deja-beaucoup-dantechrists/